Nazione: Francia
Anno: 1989
Durata: 51'


J.-M.S.: Lorsqu'on a été présenter Moïse et Aaron dans les universités américaines, Danièle avait fait tout le parcours en fonction des musées qui avaient des tableaux de Cézanne. Mais j'ai été le premier surpris quand Rivette, ` la première projection de Fortini/Cani au Festival de Paris, deux ans après, a dit: «Pour la première fois au cinéma, jai pensé ` Cézanne». C'est le plus beau compliment qu'on pouvait me faire, mais en même temps le plus accablant. Mais il avait peut-être un peu raison: on avait contemplé une bonne quarantaine de Cézanne de l'East ` la West Coast. Il fallait bien que ça laisse des traces...
Eri 1974, j'avais eu envie de faire un petit film sur Cézanne en prenant trois ou quatre tableaux, c'est tout. Mais j'avais laissé tomber. Et puis il y a eu une commande que j'ai envoyée promener sur les jeunes années de Cézanne au moment de l'exposition du Grand Palais, pendant qu'on faisait La Mort d'Empédocle. J'avais dit : «On est sur l'Etna, on n'a pas le temps, allez trouver Rivette ou Godard. » Et il y a eu une nouvelle commande du Musée d'Orsay. Et pendant que Danièle terminait sa traduction de Noir péché en français et en italien pour le sous-titrage, je me suis enfermé dans la cuisine et j'ai bricolé sur Cézanne. Ce qui nous intéresse, c'est de faire la navette entre les films type Moïse et Aaron, Othon ou De la nuée ` la résistance, et des films type Leçons d'histoire, Fortini/Cani ou Trop tôt trop tard. (Dans les premiers, un texte de fiction dit en extérieur ; dans les seconds, moins ou pas de fiction et un texte off). Le Cézanne reviendra au petit chemin que tracent ces derniers films avec, j'espère, quelque chose en plus et de différent, et surtout un mélange, comme disait Truffaut, qui peut être intéressant. Ça consistera ` mélanger dix tableaux de Cézanne avec un extrait de Madame Bovary de Renoir et donc avec deux extraits de cinq minutes de La Mort d'Empédocle, l'un après Madame Bovary, l'autre plus tard dans le film. Et puis, comme dans Fortini, dans Chronique d'Anna Magdalena Bach ou Trop tôt, trop tard, il y aura un texte off assez abondant, des propos de Cézanne, mais, pour la première fois, ce sera plutôt un dialogue. L'un parlera très peu et posera des questions lapidaires, mais ce sera un dialogue, un dialogue de fiction. Pas un commentaire comme dans les autres films.
Et puis, surtout, l'expérience du Cézanne, ce sera de mélanger ce qu'on va filmer nous-mêmes ` Aix, avec le son, qui en durée ne représentera pas grand-chose, avec quelque chose dont je ne sais pas si c'est un acte filmique, et qui est de filmer des tableaux. Il faut savoir comment on les filme. Si on refuse la cache, qui élimine le cadre et le mur comme le voulait Alekan avec qui on va travailler. Même si le cadre ne vous plaît pas, la peinture, ça ne pend pas dans l'air, ces tableaux sont toujours dans des musées épouvantables ou plus agréables, mais ils sont toujours prisonniers d'un musée. Et la prison, il ne faut pas la montrer, mais il faut qu'on la sente.
(da un'intervista a Jean-Marie Straub e Danièle Huillet, «Cahiers du Cinéma», n. 418, aprile 1989)

Étonnant mélange d'humilité et d'orgueil: sans doute est-ce l` l'émotion premièrere ressentie ` la vision de Cézanne de Jean-Marie Straub et Danièle Huillet. Orgueil et humilité du personnage Cézanne qui voulut en même temps être le plus simple et le premier dans son art, orgueil et humilité des cinéastes qui, bien que citant uniquement les phrases d'un autre, les font leurs au point qu'on ne sait plus qui peint et qui filme, orgueil et humilité offerts au spectateur, dans une jubilation absolue.
Le spectateur se doit d'être humble pour oublier ce qui ne serait pas regard, mais c'est ce regard qui lui donne sa fierté: en moins d'une seconde, les Straub offrent ` ce regard une confiance unique. Voir, en deux instants rapides et fulgurants, que La Vieille au chapelet de Cézanne c'est aussi, et presque en même temps, la vieille servante de la scène des comices dans la Madame Bovary de Renoir. Un instant où le regard est lavé de tout ce qui n'est pas la fusion de ces deux personnages en un seul. Ce paradoxe spectaculaire entre orgueil et humilité s'accomplit comme un travail; si le spectateur peut être l'égal du peintre, c'est qu'il ne doit s'accorder aucune fuite ni aucune pensée: regarder, et seulement regarder, ce qui est montré («Mais si j`ai la moindre distraction, la moindre défaillance, surtout si j'interprète trop un jour, si une théorie aujourd'hui m'emporte qui contrarie celle de la veille, si je pense en peignant, si j'interviens, patatras! tout fout le camp»).
Le Cézanne de Straub et Huiliet doit beaucoup ` cette piace accordée au travall: le travail comme torture, comme solitude mais aussi comme seule existence possible (proche de la formulation de Godard dans Passion: aimer travailler, travailler ` aimer, pas d'autre but, quitte ` y «laisser sa peau»). (...) Certe parenté qui relie film après film les personnages - les héros? - straubiens tient ` leur volonté commune, que je vois aussi comme la volonté des cinéastes. Au bout du compte, ce n'est pas la peinture, ni même le peintre, que filment ici les Straub, comme ce n'est pas la philosophie ni la littérature qu'ils filment avec La Mort d'Empédocle, Non réconciliés, ou De la nuée ` la résistance. Ce qu'ils filment, et que leurs personnages attestent de plus en plus ` chaque film, c'est la naissance possible d'un monde, le désir de faire le monde. Ecouter, montrer, dire, en un seul film, Höderlin, Flaubert, Renoir et Cézanne, c'est entrevoir avec la pensée, les mots, les plans, les couleurs un monde tout entier dont les cinéastes sont les assembleurs démiurges. Il y a dans ce film toute la matière nécessaire au monde, si l'on veut bien se hâter de la voir, si on ne laisse rien échapper ` son travail.
«Chaque nouveau matin, je sortirai dans les rues en cherchant les couleurs» (Cesare Pavese, Agonie, dans Travailler fatigue).
(Anne-Marle Faux, «Cahiers du Cinéma», n. 430, aprile 1990)

Biografia

regista

Jean-Marie Straub

Jean-Marie Straub (Metz, Francia, 1933) ha lavorato, come assistente, per registi come Robert Bresson, Abel Gance, Jean Renoir o Jacques Rivette, esordendo nel 1963 insieme a Danièle Huillet, che da quel momento sarà sua compagna di vita e di lavoro, con il cortometraggio Machorka - Muff, tratto da un racconto di Heinrich Böll. Hanno realizzato il loro primo lungometraggio, Cronaca di Anna Magdalena Bach, nel 1968. Da allora hanno diretto una trentina di film, confrontandosi con autori come Friedrich Hölderlin o Cesare Pavese. Nel 2006 sono stati omaggiati, a Venezia, di un Leone speciale per l’innovazione del linguaggio cinematografico.

FILMOGRAFIA

 filmografia essenziale/essential filmography

Machorka - Muff (coregia/codirector Danièle Huillet, cm, 1963), Chronik der Anna Magdalena Bach (Cronaca di Anna Magdalena Bach, coregia/codirectorDanièle Huillet, 1968), Moses und Aaron (Mosè e Aronne, coregia/codirectorDanièle Huillet, 1975), Dalla nube alla resistenza (coregia/codirector Danièle Huillet, 1979), Der Tod des Empedokles (La morte di Empedocle, coregia/codirector Danièle Huillet, 1987), Lothringen! (coregia/codirectorDanièle Huillet, cm, 1994), Sicilia! (coregia/codirector Danièle Huillet, 1999),Une visite au Louvre (coregia/codirector Danièle Huillet, 2004), Corneille-Brecht (cm, 2009), O somma luce (2010), Jeonju Digital Project 2011 - Un héritier (cm, 2011).

Danièle Huillet

Danièle Huillet nasce a Parigi il 1° maggio 1936. Cresce in campagna e ritorna a Parigi verso il 1948. Studia al liceo Jules Ferry. Si prepara per l'IDHEC ma si rifiuta di scrivere sul film Menèges di Yves Allégret che ritiene indegno di una prova d'esame.

Cast

& Credits

Regia, sceneggiatura, voci e montaggio: Jean-Marie Straub, Danièle Huillet.
Soggetto: dai dialoghi di Joachim Gasquet con Cézanne.
Fotografia: Henri Alekan.
Illuminazione: Louis Cochet.
Operatore: Stefan Zimmer.
Suono: Louis Hochet.
Assistenti: Michael Esser, Hopi Lebel.
Produzione: Musée d'Orsay, La Sept, Diagonale, Straub/Huillet
Riprese: 3 settimane in settembre-ottobre 1989 a Parigi, Londra, Edinburgo, Ascona, la montagna Sainte-Victoire.
Menu