Anno: 2001
Durata: 123'


(…) Quand les premiers personnages d'Ouvriers, paysans apparaissent, parmi les feuilles et les taches de soleil, au fond d'un vallon bruissant et oublié, depuis combien de temps attendent ils que quelqu'un accepte d'écouter leur histoire? C'est une histoire terrible, une histoire d'après-guerre qui raconte comment, au coeur d'un interminable hiver, des paysans et des ouvriers, réfugiés venus de toute l'Italie, sont entrés en conflit, parce que leur temps de travail et leurs moyens de survie ne concordaient pas. Les uns après les autres, douze personages en quête d'auditeurs égrènent les faits de la pénurie et de la violente opposition qu'elle a entraînée. Tous déposent ` la barre de ce tribunal de verdure et complètent peu ` peu le récit d'un malentendu qui tourne mal, d'un fait d'hiver qui devient fait divers. Chaque mot compte, il s'agit d'être attentif, pour ne pas perdre le fil de l'enquête.
Ouvriers, paysans est un film-puzzle dont il faut rassembler toutes les pièces, puis se souvenir de l'une pour l'imbriquer dans l'autre. Car tout se tient et se répond, les histoires d'amour comme les fuites exaspérées vers la ville la plus proche, la juste cuisson des aliments et les désaccords quant ` l'ordre des priorités, la solidarité nécessaire et les trahisons des uns envers les autres, jusqu'` l'apaisement final des tensions.
Si son exigence est grande, ce n'est pourtant pas un film difficile. De la méme manière que le long panoramique initial donne ` voir et entendre une incroyable diversité de couleurs et de sons, comme si une forêt était filmée pour la première fois, et ainsi rendue ` notre regard soudain dessillé par tant de beauté, chaque déposition rejette toute rétention. Rien n'est dissimulé, il faut que tout soit dit et entendu, ce jour ou jamais.
De quoi ont besoin les Straub pour faire resurgir toute la complexité d'un monde englouti? Un trou de verdure où coule un ruisseau, un texte sublime d'un grand écrivain trop oublié, porté par douze comédiens dont l'immobilité frontale n'est que la condition d'un épanouissement lyrique. Et une mise en scène dont la rigidité apparente n'est qu'une promesse ` toutes les ouvertures.
Plutôt que de ressasser sur le prétendu jansénisme des Straub, leur rigueur si intimidante et leur cinema de fer, qui serait réservé ` de rares élus plus ou moins snobs et masochistes, mieux vaut parler de leur sensualité et de leur capacité ` réveiller chez le spectateur un flot débordant de perceptions soudain affleurantes.
Si les histoires racontées ici ressemblent étrangement aux Raisins de la colère (The Grapes of Wrath) de Steinbeck, leur très ferme mise en corps et en espace appelle d'autres images. Celles du film de John Ford, par exemple, cinéaste ô combien chéri par les Straub, mais aussi des flux d'images et de pensées plus indécises, publiques ou privées, spectaculaires ou ` peine esquissées, précises ou flottantes, proches de la reverie éveillée ou de celles qu'appelle le rythme de la marche ` pied.
Par quel tour de force l'attention la plus soutenue, la concentration la plus extrême, yeux et oreilles grands ouverts sur un écran saturé de sens, permet-elle en même temps de laisser libre cours ` son imaginaire? Est-ce un mouvement d'échappée, comme les héros de cette histoire fuient les uns aprés les autres vers un ailleurs qu'ils imaginent meilleur? Ou, au contraire, la plus belle victoire d'un film qui joue de la clôture de son dispositif pour mieux nous ouvrir en grand portes et fenêtres?
Alors que les paysans et les ouvriers se répondent, jusqu'` ce que la figure de leur conflit soit enfin complète, et leur querelle vidée, le spectateur de cette instruction se met lui aussi ` dialoguer avec eux, dans un mouvement qui n'est pas de repli mais d'appétit sensuel.
Ouvriers, paysans est un film qui donne faim de tout. Film policier aux intrigues entrecroisées, film de procès où on plaide ` charge et ` décharge, mais aussi film fantastique, où l'espace est soumis ` des brusques distorsions et où un coin de forêt toscane se fait le receptacle sans limites du vaste monde, de tous ses lieux et de toutes ses histoires, les nôtres et les leurs, corne d'abondance et creuset d'une fécondité qui donne le vertige. Et cette histoire antédiluvienne d'affamés de devenir notre absolue contemporaine. Ouvriers, paysans a la générosité inépuisable du très grand art.
(Frédéric Bonnaud, «Les Inrockuptibles», n. 305, 18-24 settembre 2001).

Biografia

regista

Jean-Marie Straub

Jean-Marie Straub (Metz, Francia, 1933) ha lavorato, come assistente, per registi come Robert Bresson, Abel Gance, Jean Renoir o Jacques Rivette, esordendo nel 1963 insieme a Danièle Huillet, che da quel momento sarà sua compagna di vita e di lavoro, con il cortometraggio Machorka - Muff, tratto da un racconto di Heinrich Böll. Hanno realizzato il loro primo lungometraggio, Cronaca di Anna Magdalena Bach, nel 1968. Da allora hanno diretto una trentina di film, confrontandosi con autori come Friedrich Hölderlin o Cesare Pavese. Nel 2006 sono stati omaggiati, a Venezia, di un Leone speciale per l’innovazione del linguaggio cinematografico.

FILMOGRAFIA

 filmografia essenziale/essential filmography

Machorka - Muff (coregia/codirector Danièle Huillet, cm, 1963), Chronik der Anna Magdalena Bach (Cronaca di Anna Magdalena Bach, coregia/codirectorDanièle Huillet, 1968), Moses und Aaron (Mosè e Aronne, coregia/codirectorDanièle Huillet, 1975), Dalla nube alla resistenza (coregia/codirector Danièle Huillet, 1979), Der Tod des Empedokles (La morte di Empedocle, coregia/codirector Danièle Huillet, 1987), Lothringen! (coregia/codirectorDanièle Huillet, cm, 1994), Sicilia! (coregia/codirector Danièle Huillet, 1999),Une visite au Louvre (coregia/codirector Danièle Huillet, 2004), Corneille-Brecht (cm, 2009), O somma luce (2010), Jeonju Digital Project 2011 - Un héritier (cm, 2011).

Danièle Huillet

Danièle Huillet nasce a Parigi il 1° maggio 1936. Cresce in campagna e ritorna a Parigi verso il 1948. Studia al liceo Jules Ferry. Si prepara per l'IDHEC ma si rifiuta di scrivere sul film Menèges di Yves Allégret che ritiene indegno di una prova d'esame.

Cast

& Credits

Regia: Jean-Marie Straub, Danièle Huillet.
Testo: dal romanzo Donne di Messina di Elio Vittorini.
Fotografia: Renato Berta.
Suono: Jean-Pierre Duret.
Musica: Johann Sebastian Bach
Montaggio: Jean-Marie Straub, Danièle Huillet
Interpreti: Angela Nugara, Giacinto Di Pascoli, Giampaolo Cassarino, Enrico Achilli, Angela Durantini, Martina Gioffriddo, Andrea Balducci, Gabriella Taddei, Vittorio Vigneri, Aldo Fruttuosi, Rosalba Curatola, Enrico Pelosini.
Produzione: Huillet-Straub, Martine Marignac (Pierre Grise Production).
Coproduzione: Capricci Films.
Riprese: Buti, estate 2000.
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